Le financement participatif est en plein essor. Près d’un Français sur deux serait disposé à prêter de l’argent à une TPE/PME via une plateforme de crowdfunding selon une enquête récente commanditée par le Salon des Entrepreneurs (édition 2015), l’Ordre des Experts Comptables et Lendopolis (une plateforme de prêts aux entreprises, cf. l’interview de Vincent Ricordeau sur PE.net par ailleurs), ce qui représenterait de 16 à 75 Milliards d’€ de financements (!) pour les entreprises françaises (TPE et PME). Ce nouveau mode de financement pourrait peut-être révolutionner le système financier, ou représenter un feu de paille, avec beaucoup de désillusions, à la fois du côté des entreprises et celui des épargnants.
On vous aide ! |
Ce niveau d’un Français sur deux est exceptionnel. Car la même question posée l’an dernier aurait, sans nul doute, montré un résultat bien inférieur. L’économie participative est en marche et apporte en tous les cas un grand bol d’air frais à un système financier souvent décrédibilisé ces dernières années. Cela correspond au besoin des citoyens de donner du sens à leurs décisions et s’inscrit, en même temps, dans un contexte dans lequel les pouvoirs publics se sont clairement engagés en faveur du soutien au financement des TPE/PME.
L’entrée en vigueur, en octobre 2014, de la réglementation relative au financement participatif, a ainsi créé une dérogation au monopole bancaire pour les crédits aux entreprises inférieurs à 1M€, ce qui était très loin d’être une affaire entendue.
Surfant sur cette vague, de nombreuses plateformes existent déjà ou sont en cours de création, et le mouvement devrait continuer.
Du point de vue des prêteurs, on peut comprendre que quelqu’un disposant d’un certain niveau d’épargne peut préférer décider d’allouer une partie de celle-ci à une entreprise qui l’aura séduit (par son activité ou son projet, sa localisation et le soutien à l’économie locale (« l’entreprise près de chez soi »), le dynamisme de ses dirigeants, etc…) plutôt que de mettre de l’argent, souvent pour des raisons fiscales, dans des fonds d’investissements (très coûteux, où il n’a aucun rôle dans le choix des investissements, et qui par ailleurs ne lui procurent pas toujours une rentabilité si attractive), ou dans de l’assurance-vie, essentiellement investie dans des emprunts d’États, dont la rémunération baisse de façon continue.
Malgré tout, aujourd’hui, le CF ne représente, malgré un développement très rapide, qu’une goutte d’eau par rapport aux crédits bancaires et investissements en fonds propres effectués par des acteurs professionnels via des fonds de type FCPI, FIP (ouverts aux particuliers), ou par les fonds de capital-investissement (private equity) au sens large.
En 2014, 152 Millions d’€ ont ainsi été collectés en France via des plateformes de crowdfunding (de dons, d’equity (capital) ou de prêts aux entreprises ou aux particuliers), contre 78 Millions d’€ en 2013, soit un quasi-doublement. Mais il convient de rappeler que ce total représente moins de 0,1% de l’encours de crédits alloués aux seules TPE (entreprises de moins de 10 salariés), qui s’élevait à 235 Milliards d’€ environ à fin 2014 selon la Banque de France.
Nous sommes donc aujourd’hui, avec ces 152 M€ (tous segments confondus : dons, equity, prêts) encore très loin des 16 Milliards d’€ évoqués (et a fortiori des 75 Milliards d’€), mais il est probable que la croissance de ce nouveau mode de financement devrait continuer à être soutenue au cours des prochaines années.
Certains facteurs vont en effet entretenir cette croissance :
Le besoin de sens donné à leurs investissements exprimé par les investisseurs et les prêteurs, ceci jouant cependant plus en faveur des plateformes d’equity (et de dons, par définition) que de prêt, dont les facteurs déterminants sont plus financiers qu’affectifs.
La difficulté des entreprises à se financer, en particulier auprès des banques. Il convient cependant de noter que les besoins non couverts des TPE/PME sont souvent relatifs à des besoins à court terme, liés à des difficultés de trésorerie ou à la gestion du BFR, plutôt qu’à des besoins d’investissements à moyen ou long terme (en équipements notamment), mieux considérés par les banques. Ce type de besoin n’est pas nécessairement mieux servi par toutes les plateformes de crowdfunding. Et il convient ici de faire preuve de bon sens : une entreprise en difficultés, sans projets crédibles, non suivie par ses propres banquiers, aura également du mal à se financer par le crowdfunding. Il ne serait d’ailleurs pas sain de soutenir des projets non viables, ni pour les chefs d’entreprises, ni pour ceux qui les financeraient. En revanche, il arrive que des entreprises saines financièrement et avec des projets attractifs aient des difficultés à se financer uniquement en raison du secteur économique dans lequel elles interviennent, de leur taille, ou du montant demandé, trop peu élevé pour motiver un banquier au regard du travail d’analyse à effectuer.
L’intérêt des chefs d’entreprises à devenir visibles, auprès de leur communauté, et à obtenir des financements sans garanties (nantissements, cautions), de façon relativement rapide (quelques jours à quelques semaines).
L’attractivité (pour l’instant) des taux d’intérêts offerts sur les plateformes de prêts, du point de vue des prêteurs (pouvant aller jusqu’à 12%), dans un contexte de taux d’intérêt très faible pour les investissements peu risqués…
Les freins au développement du crowdfunding. D’autres facteurs devraient limiter la croissance du financement participatif :
Le coût de financement pour les entreprises (droit d’entrée sur les plateformes, plus le taux d’intérêt, relativement élevé à l’heure actuelle, voire des frais de gestion), plus élevé que celui proposé par les banques quand le dossier est accepté par ces dernières, mais il est vrai sans garanties demandées sur les plateformes de crowdfunding.
Le seuil très bas du montant pouvant être prêté par une personne physique à un projet en particulier, qui est de 1.000 euros, même si toutes les plateformes se réclamant du crowdfunding n’en appliquent pas nécessairement toutes les règles, grâce à certaines subtilités (légales bien entendu).
Le risque réel d’une moindre progression des financements crowdfunding en cas de défaillances répétées, dues notamment à une sélection moins stricte qui serait mise en œuvre par certaines plateformes afin de gagner des parts de marché, dans un secteur concurrentiel.
Une certaine désillusion des investisseurs / prêteurs qui n’auraient pas mis en œuvre une diversification suffisante de leurs investissements, règle de base pour toute stratégie d’investissement. Donner du sens à ses investissements est certes important, mais cela doit se faire sur un nombre suffisant de dossiers pour diminuer les risques (le seuil des 1.000 euros rappelé ci-dessus favorise cet objectif de diversification pour quelqu’un souhaitant atteindre un certain volume d’investissement),
Les difficultés pouvant survenir de l’échec possible de certaines plateformes, n’ayant pas atteint un volume suffisant d’activité, en particulier si les plateformes concernées ne participent pas au processus probable de consolidation du secteur qui interviendra… La recherche du volume est l’un des facteurs-clés de succès pour les plateformes, en raison du business model qu’elles suivent. Il n’y aura sans doute pas la place pour toutes celles qui vont se créer au cours des prochains mois ou années.
Des règles à respecter pour utiliser le crowdfunding de manière optimale. Pour une utilisation efficace du crowdfunding et un développement soutenu de ce nouveau mode de financement dans les années qui viennent, des règles de base devraient être respectées autant du côté des emprunteurs que des prêteurs.
La validation par un professionnel de leur besoin et plan de financement et l’étude en amont de la faisabilité correspondante. Il serait contre-productif, pour tous les intervenants (à commencer par l’entreprise elle-même, les plateformes, les prêteurs/souscripteurs), de présenter un dossier qui ne tient pas la route ou présente un fort risque d’échec (pour ce qui concerne les prêts notamment, par nature l’investissement en capital présente un risque relativement élevé).
La prise en compte par les chefs d’entreprises de la dimension « communication », consommatrice d’énergie et de temps, dans le processus de levée de fonds en crowdfunding, fondamentale pour mobiliser les différents cercles de souscripteurs / prêteurs qui soutiendront le projet. Il ne faut pas oublier qu’il faudra ensuite communiquer dans la durée avec sa communauté, et pas seulement lors de la levée des fonds.
La sélection de la meilleure plateforme possible pour le chef d’entreprise, par rapport à son projet spécifique, le taux de succès de la plateforme pour le financement concerné, etc… Toutes les plateformes ne seront pas positionnées de la même façon, ne répondront pas aux mêmes besoins, et n’auront sans doute pas le même taux de performance.
Du côté des prêteurs / souscripteurs :
Une diversification minimale, dans le cadre du profil d’investissement recherché (prêt ou capital, type d’entreprise, secteur d’activité, taille, zone géographique…).
Bénéficier de conseils pouvant les guider dans leurs choix d’investissements, afin de constituer un portefeuille suffisamment diversifié avec un couple rendement / risque adapté, sauf à disposer du temps suffisant pour effectuer soi-même cette recherche.
Cette remarque et la précédente concernent bien évidemment les personnes à la recherche d’une certaine performance financière (associée à un niveau de risque), le côté investissement « coup de cœur », sans recherche systématique de rentabilité ni de diversification, faisant appel à d’autres ressorts que ceux purement financiers.
C’est à cette condition de discipline appliquée tant du côté entreprises (préparer son projet en amont, sélectionner la plateforme la mieux adaptée à celui-ci, accepter d’être transparent et communiquer dans la durée) que de celui des prêteurs ou souscripteurs (diversifier et si possible se faire accompagner dans ses choix), que le crowdfunding pourra constituer, de façon réussie et durable, une véritable révolution du système de financement des entreprises en France.
Ces conseils vous ont été offerts par Laurent Gillot, correspondant de Petite-Entreprise.net à Châtenay-Malabry (92). Expert en gestion / finance de TPE et PME et en investissements financiers, Laurent Gillot a passé plus de 20 ans aux postes de cadre financier puis de dirigeant de sociétés.
On vous aide ! |
Vous y êtes presque. Laissez-nous vos coordonnées, nous vous appelons sous 48H !