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La clause de conscience est-elle valable pour les dirigeants ?

Publié le 7 avril 2015
Uniquement réservée aux journalistes professionnels, la clause de conscience – encore appelée, « clause de cession » – est consacrée par l’article L 7112-5 du code du travail.
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En vertu de cette clause, les journalistes professionnels peuvent démissionner de leur média, tout en touchant des indemnités de licenciement, lorsqu’une cession, une fusion ou un changement dans le groupe des actionnaires implique une modification significative de la ligne éditoriale, les mettant dans une situation pouvant porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation.

L’exception prévue par le législateur a toujours été cantonnée à ses strictes limites et considérée par la jurisprudence française comme un corollaire de la liberté d’expression. 

Depuis un arrêt de la Cour de cassation datant du 26 janvier 2011, la clause de conscience a été admise pour les cadres dirigeants, au grand dam des employeurs qui craignent de voir se multiplier ces cas où l’enjeu financier est très important.

Alors que certains juristes l’ont érigé en véritable révolution pouvant ouvrir la voie à plusieurs cas de figures, d’autres spécialistes estiment qu’il faut accorder à cette position jurisprudentielle toute sa valeur symbolique, sans pour autant tomber dans la généralisation ou l’automatisme.

En effet, il s’agit d’une acceptation de principe qui demeure, tout de même, soumise à quelques conditions cumulatives, à savoir :

– Le salarié en cause doit être un cadre dirigeant, ce qui détermine de manière précise la catégorie de salariés pouvant prétendre à l’application d’une clause de conscience.

– La clause de conscience doit être prévue par le contrat de travail du cadre dirigeant qui veut en bénéficier.

– Le changement de contrôle de l’entreprise (fusion, cession, modification importante d’actionnariat), justifiant la mise en œuvre de la clause de cession, doit se traduire par un remaniement significatif de l’équipe directoriale, de sorte que le cadre dirigeant ne puisse plus exercer ses fonctions convenablement.

– La mise en œuvre de la clause de conscience ne doit pas nuire au droit des deux parties de résilier, de façon unilatérale, le contrat de travail.

Il en ressort que la clause de conscience accordée aux cadres de direction n’a pas la même valeur juridique que celle dont jouissent les journalistes.

Tout d’abord, la clause de cession accordée aux journalistes est légale puisqu’elle est prévue par le code de travail tandis que la clause de cession en faveur des cadres dirigeants ne peut être que contractuelle.

Cette différenciation est capitale puisqu’elle implique que les cadres dirigeants ne peuvent se prévaloir de la clause de conscience que si elle est stipulée dans leur contrat de travail, ce qui est loin d’être usuel.

En effet, la  stipulation d’une clause de conscience, même pour les cadres de direction, dans un contrat de travail demeure exceptionnelle. Peu de dirigeants y pensent, au moment de la rédaction de leur contrat de travail et elle est loin d’être automatique.

Par ailleurs, l’insertion d’une clause de cession, bien qu’elle ne soit pas de nature à dissuader les chefs d’entreprises de vendre, peut être interprétée de plusieurs manières :

– D’aucuns estiment que l’insertion d’une clause de conscience dans le contrat de travail dénote de la volonté du cadre dirigeant à travailler dans un environnement bien déterminé, avec une équipe de direction en particulier. 

– D’autres considèrent que cette clause constitue un moyen de pression aux mains du cadre dirigeant qui tenterait, ainsi, de s’immiscer dans le processus de prise de décision concernant l’avenir de l’entreprise.

– Enfin, certains spécialistes jugent que la clause de conscience prévue dans le contrat du travail ne serait qu’un faire-valoir que le cadre dirigeant utiliserait pour séduire ses employeurs.

Les conclusions que l’on peut tirer de l’une ou l’autre de ces théories sont mitigées dans la mesure où il est possible d’affirmer que toutes ces observations sont vraies et fausses, à la fois.

S’il est vrai que la clause de conscience peut démontrer la volonté du cadre dirigeant à évoluer au sein d’une équipe en particulier – ce qui est plutôt flatteur, pour l’employeur – elle peut aussi être perçue comme un moyen de pression, voire une intrusion, de la part du cadre dirigeant, ce qui ne peut que déplaire à l’employeur qui n’acceptera pas facilement l’insertion d’une telle clause dans le contrat du travail.

D’un autre côté, plutôt que d’y voir la volonté du cadre dirigeant de travailler avec une équipe de direction bien déterminée, la clause de cession peut constituer une mesure de protection par laquelle le cadre dirigeant tenterait de se prémunir contre l’instabilité de sa situation.

En effet, en cas de cession ou de  fusion-absorption, les cadres dirigeants sont les salariés les plus exposés et les plus vulnérables au changement de direction, ce qui explique l’admission de la clause de conscience, par la Cour de cassation, en faveur de cette catégorie de salariés, en particulier.

En somme, il est possible de dire que cette position jurisprudentielle constitue une véritable avancée, sur le plan juridique, en matière de droit du travail, notamment, lorsque l’on sait que la clause de conscience était l’apanage des seuls journalistes professionnels.

Néanmoins, son utilisation reste rare dans la mesure où le contrat de travail du cadre dirigeant doit comporter cette clause, pour pouvoir y recourir, ce qui signifie que son application ne se fait pas de plein droit.

Si l’on prend en considération le fait que peu de dirigeants la connaissent ou savent qu’ils peuvent la stipuler dans leur contrat de travail, on peut en déduire que la clause de conscience est encore loin de devenir une pratique courante, hors de son cadre légal prévu par l’article L 7112-5 du code du travail.

En outre, il n’est pas dit qu’il sera aisé de l’imposer aux employeurs qui n’accepteront probablement pas de bon cœur une clause aux conséquences aussi coûteuses pour l’entreprise, même si celle-ci change de mains. 

En tout état de cause, seule la pratique démontrera si la révolution de principe impliquée par l’arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2011 aura des répercussions notables sur les conditions d’embauche des cadres de direction à qui il appartient de faire valoir leurs droits.

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